Et bien oui, j'ai été a Helsinki à la voile avec mon Requin. Et
même, si j'en, crois la presse de l'époque, et surtout le témoignage des employés du
canal de Kiel, lIecHed Mad est le seul bateau français qui se soit
rendu aux Jeux par ses propres moyens. Doit-on en conclure qu'un tel voyage est une folie?
Non. Cela prouve simplement que peu de yachtsmen disposent de trois mois de liberté et
que les moins privilégiés préfèrent se rôtir sur la plage. C'est tout.
Les Anglais qui sont les grands maîtres en la matière, disent que
lorsqu'il advient un accident en mer, cela provient, dans l'ordre, de l'équipage, du
gréement et en dernier lieu, de la coque.
Ceci étant pour moi parole d'Evangile, j'ai passé soigneusement en
revue chacun de ces éléments.
L'EQUIPAGE ? - Moi-même et mon alter ego Bernard de Puineuf
réunissons, entre autres qualités supérieures, celles d'être Bretons, d'avoir un
estomac en fer forgé et d'avoir fait passer pas mal d'eau salée sous nos quilles ou
dérives. De toutes ces qualités précieuses, la seule qui soit " sine qua non
" est l'estomac. On a souvent chanté les curs de lion. jamais les estomacs
d'autruche. Et pourtant ! Si on ne digère pas les sardines à l'huile on sera, à la
moindre houle, comme une loque au fond du bateau. Que dire alors si l'on tombe sur un coup
de tabac d'une certaine durée pendant lequel on est trempé sans arrêt sans pouvoir
manger chaud ni dormir ?
Dans ces circonstances, on préfère voir le mat descendre plutôt
que d'aller à lavant amener le foc ou le remplacer par un plus petit.
LE GREEMENT ? - Refait à neuf en acier inoxydable.
LA COQUE ? - Un coup de peinture et c'est tout. J'ai choisi de la
peinture au bronze pour les dessous et m'en suis bien trouvé, tout était parfait après
une dure saison de quatre mois. Au point de vue emménagements, javais réuni à
même hauteur les deux couchettes et le plancher soutenu sur barrots, formant ainsi une
couchette unique très vaste, servant, à ses heures, de table à carte.
Sous le plancher central ainsi surélevé, prennent place trois
jerricans posés dans des chantiers ad hoc. Un quatrième jerrican trouve sa place dans le
cockpit derrière un des sièges rabattables. Nous pouvons ainsi emmener à l'étranger un
échantillon de nos productions nationales : cognac, vin blanc et rouge et enfin de l'eau,
car il en faut bien aussi un peu.
Toutes les affaires de rechange, et il en faut beaucoup, sont
rangées dans des sacs sous le pontage arrière, à l'endroit prévu par le constructeur
pour loger un moteur auxiliaire.
Bien entendu, je nen ai pas embarqué. A quoi, d'ailleurs,
peut bien servir un moteur auxiliaire ? J'écarte tout de suite le cas du régatier
disposant d'un temps limité et qui doit être à l'heure sur la ligne de départ.
Ecartons également le terrien venu sur la côte le dimanche pour se promener en mer et
qui doit être au bureau le lundi matin. Je ne connais pas de directeurs pour qui le calme
plat soit une excuse. Dans les autres cas, je considère ces moteurs comme totalement
inutiles et même dangereux car on se fie totalement à eux et le réveil est parfois
terrible. En outre, on les met en route dès qu'il se présente une difficulté, par
exemple pour les entrées et les sortie de port, ce qui a pour résultat qu'à 90 ans on
est aussi manuvrier qu'à 10... avec les réflexes en moins. Quant a celui qui n'est
pas capable de supporter quelques heures de calme blanc, il n'est pas digne de monter
bateau.
Il parait quon met maintenant des moteurs fixes sur Requins on
Dragons. C'est, à mon avis une hérésie. Les avantages dun moteur fixe sont
énormes et indiscutables mais un racer à moteur fixe est aussi rationnel qu'une chaise
à porteur à réaction.
Tout ceci me direz vous nous mène bien loin de ce voyage en
Finlande. Eh bien, nous avons mis 79 jours pour aller à Helsinki et en revenir. Aussi
est-il fort probable que vous vous seriez endormi longtemps avant la fin si je faisais un
récit de nos aventures. Je me bornerai donc à tracer Ici grandes lignes.
Nous sommes partis très vite comme prévu (117 heures de aller du
Havre à Brünsbuttelkoog à l'entrée du canal de Kiel). A part la région d'Etretat,
nous avons trouvé toute cette côte affreuse et par surcroît la côte allemande est
très dangereuse. Nous lavons longée à une quinzaine de milles prêts à piquer au
large si nous étions pris par un coup de chien.
Quel contraste en Baltique ! C'est un véritable paradis avec
ses îles innombrables son absence de marées et de courants, si étonnante pour ceux qui
sont habitués à la Manche. Les Suédois nous ont dit que l'été 1952 a été le plus
mauvais de mémoire d'homme. Je les crois facilement car tous les jours, invariablement,
nous avions des vents de S. W. très frais amenant souvent de la pluie. Quand, par hasard,
il n'y avait pas ce vent de S. W. bien établi, le temps était très instable avec des
successions de petites brises folles et de très gros grains de vent et de pluie.
Particulièrement dans le sud de la Suède et dans les îles danoises.
L'aller se faisant au grand largue, nous naviguions comme les
indigènes sous !a grand'voile seule plus ou moins roulée, généralement à 7 tours. Le
retour, par contre, à été pénible. Nous sommes rentrés de Helsinki, à Nieuport
(Belgique) entièrement au louvoyage sauf un jour. Nous nous sommes alors bien trouvés de
notre nouvelle ferrure de bôme en inox, car jusqu'à 7 tours la voile reste absolument
plate et permet un louvoyage excellent surtout avec l'aide du tourmentin. Cette partie du
voyage n'a pas été de tout repos. Nous passions notre temps à changer les focs l'un
pour l'autre, à rouler et à dérouler la grand'voile pour profiter au maximum de ces
vents variables sans toutefois risquer de casser quelque chose.
Notre plus longue étape ? Ymuide-Brünsbuttelkoog (220 milles
environ) couverts en 47 heures seulement à l'aller, tout dessus au vent arrière et en 4
jours et 3 nuits au retour au louvoyage avec des brises très variables. Nous avons même
été obligés de mouiller deux heures près du bateau-feu Elbe III a cause du
courant contraire.
La plus délicate ? C'est plus difficile à dire. Est-il plus
délicat de naviguer au milieu de cailloux mal balisés en Suède, d'entrer dans un port
inconnu de nuit par bonne brise, ou d'affronter du gros temps au large ?
Affaire de circonstances. S'il faut choisir, je prendrai la
traversée de Portland à Locquirec (Finistère), les 18 et 19 août. Cette étape a tout
spécialement fait appel aux qualités stomacales dont je parlais tout à l'heure.
Arrivés dans la soirée à Portland nous passons une nuit assez
agitée à cause d'un certain ressac et constatons au réveil qu'en 10 heures le
baromètre est descendu de 757 à 746. Le vent est faible de direction variable. Nous
faisons quelques vivres dans la matinée, déjeunons confortablement et décidons de
partir, quoique nous attendant à un coup de tabac. Après 77 jours de mer nous formons un
équipage plutôt soudé et nous nous réjouissons à la perspective davoir du vent
et de faire une traversée éclair.
Toujours est-il que nous partons vers 15 heures par une brise
inconsistante et, jusqu'à 19 heures nous faisons du surplace entre la presquîle de
Portland et Ie bateau-feu Shambles. A ce moment une bonne brise de Nordet se lève
brusquement et nous partons grand largue à bonne vitesse en route directe. La brise
forcira ensuite d'heure en heure venant lentement au Nord. Nous amenons d'abord le génois
puis prenons successivement 5, puis 7 et enfin 11 tours de rouleau, ce qui est notre
maximum jamais atteint.
Etant de quart vers 4H du matin, je crains d'embarquer une
déferlante; nous marchons en effet au moins à 7 nuds et comme le vent forcit
encore je décide de mettre à la cape. Au montent où, entre deux lames, je viens dans le
vent, une phrase du docteur S.E.-Veyrin me revient à la mémoire, j'ai rigoureusement
l'impression de " mettre la tête à la portière d'un express ".
Sous sa grand'voile seule, roulée à 11 tours, le bateau ne tient
pas exactement la cape en ce sens qu'il faut de temps en temps corriger avec la barre. En
mer du Nord, par contre, nous avons eu l'occasion de prendre la cape avec 8 tours de
rouleau et le tourmentin bordé à contre. Dans ces conditions, la cape est très
confortable et l'équipage peut se reposer dans la cabine.
L'estime nous place à 25 milles dans le N.W. de Guernesey et, à ce
moment, le moral est assez bas, car, avant de prendre la cape, nous avons embarqué pas
mal d'embruns et tout est trempé à bord. Personnellement, mon quart fini, je
m'apprêtais a rentrer dans la cabine et avais déjà déboutonné le haut de mon ciré
quand une lame particulièrement vicieuse m'a délégué un ou deux litres d'eau qui sont
passés par l'ouverture du col et qui ont trempé d'un seul coup mes quatre chandails. Ce
coup du sort immérité ainsi que l'attitude faussement bon apôtre de l'équipage m'a
écuré.
Vers 11 heures du matin, les lames cessent de déferler et nous
décidons de repartir en amenant la grand'voile et en hissant le tourmentin bordé plat.
Nous traînons derrière nous deux aussières pour augmenter la stabilité de route. Sous
ces 4m2 que le vent prend par la tranche, nous marchons à une vitesse que nous estimons
à 3 nuds 1/2, ce qui se révèlera trop faible puisque nous arriverons en avance à
la côte. Cette navigation est loin d'être confortable; nous ne sommes pas appuyés par
le vent et nous roulons d'un bord sur l'autre d'une façon effroyable.
Tous les objets mobiles du bord sont maintenant intimement
mélangés nous le caillebotis, cet endroit idéal où va mathématiquement tout objet
pesant arraché a son support.
A la tombée de la nuit, le vent mollit nettement et passe au
Noroît. Nous re-hissons aussitôt la grand'voile et, peu après, nous rnarchons tout
dessus grand largue à 7 nuds 1/2 environ. Vers 21 heures, je viens de donner la
barre à Bernard et suis en train de m'installer pour la nuit quand il me demande les
caractéristiques du phare des Triagoz que nous nous sommes fixés comme point
d'atterrissage. Je les lui donne aussitôt ; je les ai sur une planchette et au bout de
trente secondes je l'entends me dire en exultant " Eh bien, mon petit gars, je
l'ai dans l'étrave ". (" Petit gars " est une façon de parler : j'ai
21 centimètres de plus que lui).
Le vent faisant un retour offensif nous amenons le Génois puis
prenons 5 tours de rouleau. Peu à peu nous laissons les Triagoz à tribord et nous nous
enfonçons dans la baie de Lannion que je connais par cur. Comme il y a quelques
roches, je préfère allonger un peu pour avoir une bonne marge. Il est, en effet, plus de
minuit, la nuit est d'encre et il n'y a pas une lumière à terre maintenant que nous
avons dépassé la ligne des grands phares indiquant le tracé général de la côte. Je
passe quelques mauvais minutes car nous marchons fort puis je distingue vaguement la forme
caractéristique de l'île Verte et, à 2 heures du matin, le 20 août, nous mouillons par
1m 50 de fond à l'abri de terre, pour attendre le flot qui nous permettra d'entrer dans
le port , de Loquirec, pour l'instant à sec. Nous nous offrons des " eggs and
bacon " pour passer Ie temps et à 4 heures nous mouillons très discrètement dans
ce port minuscule dont les douaniers suédois avaient tant de peine à respecter
l'orthographe.
Le voyage était terminé. Qu'en avons-nous ramené comme
impressions dominantes ? Eh bien, le fait le plus frappant pour un français naviguant en
Baltique, c'est l'extraordinaire vitalité du yachting dans les pays nordiques et surtout
en Suède. Nous avons rencontré des milliers de yachts, en général, au moins aussi
grands que le requin. Les Suédois adorent la mer et les bateaux, semblent avoir un niveau
de vie très élevé et disposent d'une mer idéale, particulièrement dans l'archipel, à
l'entrée de Stockholm. Cet archipel se compose de milliers d'îles rocailleuses sur
lesquelles poussent des quantités de pins sylvestres et quelques épicéas. Sur. presque
toutes les îles il y a des villas en bois peintes en rouge sombre, où les citadins
viennent en bateau passer le week-end. J'ignore les sentiments des Suédois en ce qui
concerne la régate, mais la croisière, là-bas, a un recrutement fantastique bien que la
construction ne soit pas meilleur marché qu'en France. Par exemple, le " Folk
boat " qui répond aux mêmes emplois que notre Bélouga vaut. entre 7 et 800.000
francs, en sapin du Nord bordé à clins.
Fait curieux pour nous, il n'y a pas en Suède, de droit de passage
à terre dans les propriétés privées qui bordent la côte. En théorie, on ne peut donc
débarquer que dans les ports ou les clubs.
Que dire de ces clubs ? A part le N.J.K. de Helsinki qui est
luxueux, les autres clubs scandinaves que nous avons vus n'ont aucune prétention à ce
point de vue et cherchent plutôt à créer une atmosphère intime dans des chalets en
bois très gais, bien agencés, mais modestes.
Nous avons toujours été parfaitement accueillis dans les Clubs et
leurs membres ont constamment fait le maximum tant pour nous assurer un bon mouillage que
pour nous faciliter les démarches à terre. En France, le manque d'argent interdit
souvent de faire bien les choses. Rappelons-nous, toutefois qu'une simple affiche en deux
ou trois langues indiquant les adresses du boulanger, de l'épicier, du shipchandler, des
points d'eau et d'essence les plus proches, serait très appréciée des visiteurs. Un
plan de la ville, quelques cartes marines de la région et, si possible le bulletin de la
météo complèteront utilement le tableau. Tout ceci ne coûte rien et l'étranger en
tire pourtant le sentiment qu'on s'occupe de lui. Si l'on peut hisser à l'un des mâts du
club le pavillon national du yachtsman en visite, celui ci se sentira certainement honoré
et portera sur nous les jugements les plus flatteurs. Ce sont des petites attentions comme
celles-là qui créent l'ambiance et qui montrent qu'on se trouve avec une élite qui en
vaut bien une autre.
Les Danois (Naskow et Vordinborg) ainsi que les Belges (Ostende et
Nieuport) ont été les plus hospitaliers de nos hôtes. Les Allemands dont nous
appréhendions un peu la comportement ont été parfaits avec nous, sauf au port de
Labbô, dans la baie de Kiel où nous sommes arrivés pendant les éliminatoires
olympiques de Dragons. L'attitude des équipages allemands a été proprement pénible,
feignant de ne pas nous voir, ni de nous entendre.
Heureusement une hirondelle ne fait pas le printemps et nous n'avons
eu qu'à nous louer des autres Allemands rencontrés yachtsmen ou fonctionnaires.
Un dernier mot peut-être à propos des cartes marines. Je me
figurais naïvement que l'esprit cartésien dont les Français sont si fiers, nous
conduisait à faire les meilleures cartes. Erreur grossière 1 Nos cartes sont justement
trop cartésiennes et si tous les renseignements sont là, ils le sont d'une manière un
peu discrète tout au moins à mon avis.
Les cartes suédoises et allemandes sont excellentes (le balisage,
par contre, ne vaut pas le nôtre). Les Suédois, en particulier, représentent les fonds
de moins de 3 mètres comme nous représentons les sables découvrant. Ce qui est très
commode pour les yachts, car tous les fonds délicats sautent aux yeux.
Les cartes finlandaises, elles, sont au-dessus de toute comparaison.
Elles sont en couleurs avec les chenaux tracés sur la carte (le balisage finlandais est
parfait d'ailleurs), les secteurs de phares tracés en couleurs avec le nombre d'éclats
ou d'occultations figurés sur la carte. On peut naviguer en regardant la carte à deux
mètres tant elle est claire. Enfin, ce qui ne gâte rien, le prix est environ moitié
moindre qu'en France.
Que dire pour terminer, sinon que le requin est un bateau absolument
sûr si en ne la souque pas exagérément, qu'il tient bien la cape, qu'il remonte au vent
même dans des grains excessivement violents et qu'en conséquence je le crois capable
d'affronter n'importe quel mauvais temps d'été. Je ne parle évidemment pas de tempêtes
presque historiques, comme celle du 7 août 1947, qui a fait tant de ravages en Bretagne
et dont le souvenir n'est pas près de s'éteindre. Le mot de la fin sera donc quand même
un appel à la prudence, car on ne sait jamais avec certitude le temps qu'il fera. ci Lit
mer en a eu d'autres et des plus gros ".
Frédéric de LANASCOL.
1952
Deux jeunes garçons de Bretagne viennent de rentrer à Locquirec
(C.-du-N.) après avoir conduit leur requin Iec'Hed Mad en Hollande, Danemark,
Allemagne, Finlande, Suède et Angleterre.
On sait que le Iec'Hed Mad (bonne santé !) a été lancé
l'an dernier. A sa sortie du hangar, son jeune capitaine: Frédéric de LanascoI, 24 ans,
ingénieur à Paris, dont les parents habitent Locquirec et son cousin Bernard de Puineuf,
même âge, demeurant à Gouesnac'h, près de Bénodet, avaient conduit le bateau par mer
jusqu'au Havre où il passa l'hiver.
Croisière déjà importante qui permit à l'équipage de se roder
dans une mer souvent difficile et aussi d'apprécier les qualités du 143ème requin.
C'est le 3 juin 1952 que Iec'Hed Mad appareilla du Havre pour
tenter de joindre Helsinki. Les deux jeunes garçons emmenaient un compas de roule, un
compas de relèvement de l'armée américaine, les cartes au grand complet, les pavillons
et les instructions nautiques.
Sur le plan matériel : deux matelas pneumatiques et sas de
couchage, un butagaz " camping " ; enfin un bon chargement de conserves et
biscuits. Par contre, pas le moindre moteur ou propulseur.
A peine sorti du Havre, il fallut rouler 7 tours et amener le foc,
la mer étant grosse et le vent se maintenant très frais. Cette première partie du
voyage fut assez dure, car le bateau tanguait et roulait, rendant la vie à bord assez
inconfortable. Le Iec'Hed Mad navigua dans ces conditions à peu près jusqu'en
Allemagne où Ie gardien du canal de Kiel affirma aux jeunes gens qu'ils étaient les
premiers français à se faire ouvrir le passage cette année. Cela leur valut une
cordiale réception ; mais lorsque l'Allemand vit Iec'Hed Mad louvoyer dans les
écluses, son admiration se transforma en enthousiasme et il s'en alla aussitôt hisser le
pavillon français en l'honneur du bateau et de son équipage...
Le contact avec la Baltique ne lut pas très ensoleillé. Temps gris
le plus Souvent ; mais les îles danoises et suédoises auraient légitimé à elles
seules le voyage.- Ce sont de ravissantes terres rocailleuses entourées de criques
larges, profondes et bien découpées. Il y pousse de grands pins à l'écorce rouge qui
les rend splendides.
" A hauteur de l'île danoise de Faemö, nous avons croisé un
yacht sensiblement de même taille que le nôtre. Il y avait trois hommes à bord qui,
voyant notre pavillon bleu blanc rouge, nous prirent dabord pour des Hollandais.
Apprenant que nous étions Français, ils se levèrent spontanément et serrant leurs
mains au dessus de leurs têtes en signe d'amitié. ils se mirent à chanter la
Marseillaise en notre honneur. "
Nos deux compatriotes ont été reçus partout avec beaucoup de
gentillesse et de courtoisie. En leur honneur, les clubs nautiques des diverses villes on
petits ports où ils firent escale hissèrent les couleurs françaises et les achats ou
diverses démarches leur furent facilités.
Nous avons demandé à MM. de Puineuf et de Lanascol comment ils
avaient organisé leur vie à bord pour un si long voyage sans la moindre anicroche et
sans fatigue excessive.
- Nous naviguions très loin de terre toutes les fois ou nous avions
un long parcours sans escale. Nous trouvions cela plus commode. Au retour, entre le canal
de Kiel et Ymuiden, nous sommes restés sans voir la côte, trois nuits et quatre jours
entiers.
- Nos quarts étaient de 2H 1/2 c'était la meilleure solution la
nuit ; car autrement ou aurait été engourdi de froid.
Pour l'alimentation, le petit " Butagaz camping, 40 heures
" nous a rendu d'énormes services. D'ailleurs il fit sensation dans les pays
nordiques où, pourtant, on est très bien outillé de ce point de vue, mais ce petit
fourneau moderne extrêmement pratique est encore inconnu là-bas.
" Nous mangions pas mal de conserves et énormément de fruits
achetés aux escales.
- Avez-vous en beau temps ?
- Jamais à proprement parler. Nous avons dû garder jour et nuit un
chandail de laine et une grosse vareuse. Par contre, du gros temps nous en avons
rencontré, à plusieurs reprises et le requin s'y est très bien comporté à toutes les
allures.
" Nous filions au point que nous avons " semé "
plusieurs yachts sur notre route. Une fois même, au vent arrière, nous avons dû
réduire complètement la voilure pour éviter nue trop grande vitesse par grosse mer.
" Evidement, on ne pourrait dire, sans mentir, que nous avons
été toujours très au sec ; mais nous avions pris la précaution de mettre nos sacs de
couchage, matelas pneumatiques, vêtements de rechange dans des toiles imperméables.
Ainsi nous n'avons jamais en à nous plaindre de l'humidité.
A part ses îles merveilleuses que nous aurions volontiers visitées
si nous en avions eu le temps, il y règne un vent insupportable.
Pendant notre séjour en Baltique, nous n'avons eu que du S.-O.
soufflant par rafales très brusques, accompagnées le plus souvent d'un déluge glacé.
Le jour, on pouvait encore voir venir le " coup de chien " et rouler à temps ;
mais la nuit, nous trouvions plus prudent de prendre, nos précautions à l'avance.
" Une fois sous 8 tours, de rouleau nous sommes restés un bon
moment l'hiloire de la cabine dans l'eau, complètement couchés, par la rafale. Par
contre, gros avantage sur l'océan, les marées sont à peine sensibles et cela facilite
grandement la navigation à la voile.
- Avez-vous pu naviguer barre amarrée ?
Pratiquement non, sous toute notre voilure, oui lorsque nous
mettions à la cape ce que nous avons fait très souvent ait retour.
- Quelles conclusions tirez-Vous de voire croisière ?
Tout d'abord nous avons constaté que le Yachting est beaucoup plus
développé dans les pays nordiques que chez nous. Nous avons aperçu un dimanche une
flottille de 300 yacht sortant du même port danois...
" Notre requin français lie faisait pas trop mauvaise figure
au pays d'où sont originaires les premiers du nom et notre construction vaut bien la
construction étrangère.
" Enfin nous pensons que le requin, pour peu que soit équipage
soit assez marin pour savoir rouler à temps et naviguer avec la toile qu'il faut pour le
vent qu'il fait, peut très bien affronter de longues et difficiles croisières.
" Pendant nos 74 jours de mer ou presque, nous avons essuyé
toutes sortes de temps sans avoir jamais l'impression que le bateau lie pourrait "
étaler ".
" La vitesse que l'on a tendance à négliger en croisière est
cependant très appréciable et c'est un réel plaisir de sentir que l'on barre un bateau
qui avale de la route. Pour cela le requin est parfait pour sa taille.
LE CORSAIRE.